Conseil municipal du 21 février 2024

Intervention de Claude Jorda. Panthéonisation de Missak Manouchian

Hommage au Groupe Manouchian.
Après ceux de Vincennes et de la Vallée aux Loups, c’est au Mont Valérien qu’ont été fusillés 1009 hommes de tous âges et de toutes conditions. L’un des premiers le 29 aôut 1941 s’appelait Honoré d’Estienne d’Orves, les derniers le 11 août 44 étaient 93 détenus du camp de Royallieu près de Compiègne.
Parmi tous ces hommes dont l’histoire peine à retenir le nom il y a ceux que l’on a appelé les 24 de l’Affiche rouge, dont 22 sont assassinés par les nazis le 21 février 1944.
Parmi eux Missak Manouchian communiste, orphelin du génocide arménien de 1915 et 22 autres étrangers, tous victimes de persécutions dans leur pays d’origine, espagnols, polonais, italiens, hongrois, roumains, arméniens, juifs, catholiques ou athées. La majorité d’entre eux a moins de 22 ans.Tous étaientmembres de la Résistance communiste de la MOI -main d’oeuvre immigréemembre des Francs Tireurs et Partisans.
A ces 22 hommes il faut ajouter le nom d’Olga Bancic, roumaine de 32 ans. Séparée de ses camarades, elle sera guillotinée à Stuttgart le 10 mai 44. N’oublions pas non plus, Joseph Epstein, dit le Colonel Gilles, arrêté en novembre 1943 avec Missak Manouchian et fusillé lui en avril.
Comme le dira un article des Lettres françaises au lendemain de l’exécution :"Ils étaient des nôtres puisqu’ils luttaient parmi des milliers des nôtres pour notre Patrie, parce qu’elle est aussi, la Patrie de la liberté"
Peut-être le nom de ces Résistants et Résistante serait encore aujourd’hui méconnu comme bien d’autres à qui nous devons aujourd’hui notre liberté, si les nazis n’avaient voulu en faire des exemples, en faire "l’armée du crime". Chacun connaît désormais la sinistre affiche rouge qui de dénonciation est devenue hommage.
Missak et Mélinée entrent enfin aujourd’hui au Panthéon. C’est la première fois que la France honore ainsi des résistants étrangers et ce n’est que justice. Mais au delà d’un couple, cet évènement est la reconnaissance de toute une part de la Résistance à la barbarie nazie, des milliers d’hommes et de femmes étrangers qui ont combattu pour les idéaux de notre République. Ils et elles n’étaient pas Français pour Pétain qui refusa deux fois de naturaliser Missak, mais leur nationalité importait peu quand il s’est agi de défendre l’humanité face à la barbarie. Ils sont de celles et ceux qui ont sauvé l’honneur de notre pays quand d’autres choisissaient la collaboration.
Permettez moi enfin de lire une partie du tract nazi qui accompagnait l’affiche
rouge :
Je cite : « le banditisme n’est pas l’expression du patriotisme blessé, c’est le complot étranger contre la vie des français et contre la souveraineté de la France, c’est le complot de l’anti France ! c’est le rêve mondial du sadisme juif, étranglons le avant qu’il ne nous étrangle ! »
Ces propos horribles, des hommes et des femmes politiques les remettent au goûtdu jour quand ils parlent du grand remplacement, du droit du sang, ou de la préférence nationale. On ne fusille plus on laisse mourir en Méditerranée ou dans la Manche.
Alors oui, il est juste et bon que Manouchian et son groupe soient honorés. Cette entrée dans le sanctuaire de la République est la reconnaissance du rôle des communistes dans la Résistance et des étrangers dans l’édification de la France.
Le meilleur hommage à leur rendre serait que se taisent ces discours xénophobes qui nous reviennent comme une prémonition de l’horreur .