Communiqué du 23 février 2023

L’actualité de Missak Manouchian

Missak Manouchian a 9 ans lorsque son père est massacré au milieu des siens en 1915, lors du génocide organisé par l’Empire ottoman. Il est placé dans un orphelinat à Beyrouth à la fin de la guerre. Ces enfants, nous les appelons désormais « mineur non accompagné » ou MNA, pour celles et ceux qui doivent aller vite. On ne dit plus « orphelins ». Ils sont définis par leur situation une fois arrivés, « non accompagnés », c’est dire à quel point on ne les considère pas réellement pour ce qu’ils sont : des enfants. Les termes employés ne sont pas sans effet sur nos représentations. Les familles, ici sont désignées comme des « accompagnateurs », la dimension affective est évacuée.
A son entrée dans l’âge adulte, Manouchian arrive à Marseille. Il est clandestin. Il se fait embaucher dans les chantiers navals de La Seyne puis dans les industries automobiles. Le libéralisme arrive facilement à faire une place aux travailleurs immigrés. Récemment, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin a proposé de faciliter la régularisation des travailleurs dans les métiers « en tension ». C’est toujours la vision utilitariste de l’accueil qui préside aux choix. Est-on sûrs cependant que le marché du travail y trouvera son compte ? Ces travailleurs clandestins, jamais malades puisque jamais indemnisés en cas de maladie, intimidables, taillables et corvéables à merci ne sont-ils pas plébiscités dans certains secteurs ?
Dans les années 1930, les attaques contre les immigrés sont déjà nombreuses, accusés qu’elles et ils sont d’être responsables du chômage, d’être naturellement tentés par le crime. On reconnaît certains refrains qui n’ont guère changé. La « Main-d’œuvre immigrée » - organisation liée au Parti Communiste – est créée pour qu’ils puissent se fédérer et se défendre face aux campagnes xénophobes. Missak Manouchian s’investit dans le mouvement. Il s’engage dans les combats auprès des républicains espagnols. Dès septembre 1939, il est arrêté, puis relâché et incarcéré une nouvelle fois en 1941, une nouvelle fois libéré… En 1943, ce résistant de la première heure rejoint les FTP-MOI. Sur l’Affiche rouge, ses compagnons d’arme sont présentés comme une « armée du crime ». C’est le caractère non-national des membres du « groupe Manouchian » qui doit les disqualifier, plus encore que leurs idées. Des anonymes écriront pourtant sous leurs visages « Morts pour la France ». Les hommes seront exécutés en février 1944, Olga Bancic sera, elle, guillotinée en mai. Se souvenir de ces vingt-trois combattants aujourd’hui, c’est empêcher le temps de dévorer la mémoire et permettre au présent d’être encore intelligible. Rendez-vous donc à la cérémonie en hommage au groupe Manouchian et à la résistance qui se tiendra le dimanche 26 février à 11 h au rond-point du lycée.