Communiqué du 29 janvier 2021
Un an de solitude
Il y a un peu plus d’un an, un nouveau virus entraînait une épidémie dans une grande ville de Chine. Ce n’était pas la première fois qu’un tel phénomène se produisait dans cette région du monde, nous l’avons tous observé de loin. Des mesures de rapatriement ont été prises qui auraient sans doute pu être plus mûrement réfléchies. La maladie s’est progressivement diffusée dans notre direction jusqu’à atteindre nos portes : l’Italie. La tragédie qui se déroulait là-bas ne pouvait qu’être imputable aux mauvaises habitudes des Italiens, à leur système de santé présenté comme étant en déliquescence. Nos voisins ont été traités par le mépris, nous serions nécessairement meilleurs si cela devait nous arriver… Pendant ce temps, chez nous, les médecins voyaient apparaître dans leurs cabinets des patients présentant des symptômes grippaux mais pour lesquels les tests de grippe s’avéraient négatifs. La réponse des autorités de santé était claire : « ce que vous voyez n’existe pas, il n’y a pas de cas chez nous ». Les malades étaient donc renvoyés chez eux, condamnés à contaminer leur famille.
A la phase de déni a succédé celle qui consistait à minimiser la maladie et à condamner les mesures de protection individuelle : « le masque, ça ne sert à rien ». Difficile, dans ces conditions, pour les soignants libéraux, d’anticiper des commandes de matériel qui auraient pu leur être utile pour la phase suivante. Nous appellerons cette période « la Terreur » : « nous sommes en guerre ». Puisqu’il avait gouverné sans prévoir, le président choisissait de gouverner par la peur. Les personnes présentant des symptômes même légers étaient orientés vers les urgences, engorgeant les services tandis que les médecins de ville voyaient leur cabinet se vider. Lors du confinement, les soignants libéraux se sont organisés pour partager le matériel qu’ils parvenaient à obtenir ici ou là, auprès de professionnels parfois très éloignés du milieu médical (garagistes, boulangers, peintres…). Des masques existaient pourtant bien puisque les grandes surfaces ont pu en mettre en rayon dès lors que la vente au grand public a été autorisée. Pour organiser leurs pratiques, pour soigner, médecins et infirmiers ont observé les publications de ceux qui, dans le Grand Est, avaient été touchés les premiers. Ils sont libéraux, ils revendiquent souvent l’autonomie dans leurs pratiques. Cependant, une juste reconnaissance aurait pu consister en une rémunération correcte des soins infirmiers appliqués aux patients COVID.
A l’issue de la première vague, nous étions sauvés. Les fermetures de lits dans les hôpitaux pouvaient reprendre. Heureusement, ceux qui avaient été en première ligne ont été moins optimistes et s’organisaient déjà dans la perspective d’une reprise épidémique. Après la « bataille du masque », la deuxième vague a été celle de la « bataille du test ». Des tests pouvaient être réalisés pour tous ceux qui le souhaitaient, sans ordonnance, remboursés. Des personnes symptomatiques pouvaient donc attendre une semaine avant de pouvoir être testées, rendant inopérante toute entreprise de prévention autour d’eux. Nous voici maintenant arrivés à la « bataille du vaccin ». Celui-ci est largement plébiscité par les personnes âgées qui ont souffert d’un an de solitude. Leurs activités sociales ont été arrêtées, leurs liens avec leur famille ont été virtuels (pour ceux qui étaient suffisamment équipés). Beaucoup d’entre eux vont devoir attendre jusqu’au mois de mars. Par ailleurs, le choix des personnes prioritaires pour la vaccination est très discutable. Tous les soignants qui le souhaitent doivent pouvoir être vaccinés, pour permettre leur protection et la continuité du service de santé.